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« Les Moissons de la colère » : l’hybridation identitaire des droites et des extrêmes droites européennes

Livre. Il est des panoramas plus repoussants que d’autres. C’est le cas de ce bref tour d’horizon des droites radicales européennes entrepris par Charles Sapin, journaliste au Point, vade-mecum utile avant les élections du 9 juin. Portugal, Pays-Bas, Suède, Allemagne, Espagne, Danemark, mais aussi Hongrie et Italie, où elles sont déjà au pouvoir : l’auteur rencontre quelques-uns des acteurs de cette bascule politique continentale, qui pourrait se concrétiser lors des européennes avec l’élection d’un tiers de députés issus de formations classées à droite du PPE (Parti populaire européen). Le livre saisit froidement le caractère global de ce mouvement de panique identitaire et de refus de lutte contre le changement climatique auquel n’échappe aucune démocratie européenne.
En résulte, comme déjà constaté par les politistes ces dernières années, une hybridation entre le discours de la droite – voire des sociaux-démocrates, comme au Danemark – et de l’extrême droite. Et le renouveau d’un clivage gauche-droite, passé ces dernières années au second plan derrière l’opposition entre un centre libéral et européen et un populisme xénophobe.
Cette opposition se nourrit, au-delà de l’immigration, de thématiques nouvelles : les luttes contre le prétendu « wokisme » et le réchauffement climatique. « C’est la fin de l’ère populiste, s’emballe même Giovanni Orsina, professeur de l’université Luiss de Rome. Il y a dorénavant une nouvelle droite. Et cette nouvelle droite, dans de plus en plus de pays, est une droite nationaliste. »
C’est aller un peu vite en besogne. Les mouvements populistes dominent en France ou aux Pays-Bas, et leurs projets politiques diffèrent fortement de la droite nationale-conservatrice, y compris leur rapport à l’Union européenne. Au fond, seuls les réunissent la xénophobie et le repli sur soi. Ainsi comprend-on difficilement les pudeurs de l’auteur, pour qui le qualificatif d’extrême droite ne saurait convenir à aucun des mouvements cités. Pas même l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), dont certaines antennes régionales sont des nids à nostalgiques du IIIe Reich et dont le conseiller de la coprésidente envisage un plan d’expulsion de plusieurs millions de résidents allemands. La tête de liste aux élections européennes, Maximilian Krah, demande « la remigration de ceux [nés allemands] qui ne veulent et ne peuvent pas s’intégrer » et le rétablissement « d’un ordre public qui soit culturellement allemand ».
C’est un parti pris de l’ouvrage que de rester à la surface des programmes des formations évoquées, de reprendre à son compte la thèse d’une « submersion migratoire » et de recevoir avec bienveillance les assertions des chefs de file d’extrême droite. La dérive autocratique de la Hongrie est par exemple présentée avec une certaine complaisance. Le lecteur n’aura, ainsi, pas à connaître des conséquences dommageables de ce phénomène sur les valeurs du projet européen, sur le réchauffement planétaire, les droits des personnes LGBT ou sur l’Etat de droit.
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